Procès Loi 21: Présence essentielle du MLQ devant la cour
Daniel Baril, président du MLQ
Le 14 décembre 2020 - Le procès contre la Loi sur la laïcité de l’État s’est terminé cette semaine avec notamment la plaidoirie du Mouvement laïque québécois. La position du MLQ a toujours été de défendre la primauté de la liberté de conscience des élèves sur le droit des enseignants d’exposer leurs croyances religieuses dans l’exercice de leur profession.
Défendue par Me Luc Alarie et Me Guillaume Rousseau, l’intervention du MLQ s’est ainsi avérée essentielle puisque la question du droit des parents et de leurs enfants, validée par des témoignages présentés en preuve, est demeurée totalement absente de la défense présentée par le Procureur général du Québec. N’eut été de cette intervention, les droits des parents auraient été complètement ignorés dans cette cause.
Rappelons que la Charte québécoise des droits et libertés accorde effectivement aux parents « le droit d’assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs convictions, dans le respect des droits de leurs enfants et de l’intérêt de ceux-ci ». Cela oblige les enseignants à un devoir de réserve face à l’expression de leurs convictions morales et religieuses personnelles. Me Alarie a longuement cité les témoignages assermentés de parents qui ont exposé les nombreux conflits entrainés notamment par le port du hijab par des enseignantes et les atteintes à la liberté de conscience de leurs enfants qui s’en suivent. Par sa signification, ce vêtement va aussi à l’encontre de l’égalité entre hommes et femmes que doit véhiculer l’école publique, ont fait valoir ces parents.
S’il y a opposition entre la manifestation des croyances religieuses des enseignants et la liberté de conscience des élèves, toute la jurisprudence citée par le MLQ accorde la primauté aux droits des élèves puisque ce sont eux qui sont les destinataires de la mission éducative de l’école. Aucun des plaignants n’a montré un quelconque souci de l’effet que leurs signes religieux ostentatoires peut avoir sur les enfants dont ils et elles ont la garde. Dans le cas du port du hidjab, les requérantes ont même explicitement soutenu qu’il s’agissait pour elles d’une « pratique religieuse ».
Cette pratique religieuse tombe donc sous le coup de l’arrêt de la Cour suprême du Canada (MLQ contre Saguenay) délimitant les obligations de neutralité religieuse de l’État : « L'État, a conclu la Cour, peut porter atteinte à la liberté de conscience et de religion lorsque ses représentants, dans l'exercice de leurs fonctions, se livrent à une pratique qui contrevient à son obligation de neutralité». Aux yeux de la loi, les enseignants sont des représentants de l’État puisqu’ils doivent détenir une autorisation de l’État pour enseigner et qu’ils sont tenus de dispenser les programmes pédagogiques élaborés par l’État. Toujours dans l'arrêt MLQ c. Saguenay, la Cour suprême a également rejeté le principe de la « laïcité ouverte » sur lequel se basent les plaignants dans cette cause. Ce jugement unanime de la Cour suprême sur lequel est fondée la loi 21 et qui s’avère fondamental et essentiel dans cette cause fut à peine mentionné par les opposants.
Les procureurs du MLQ ont aussi souligné que la jurisprudence européenne, basée sur la Convention européenne des droits de l’homme à laquelle se réfère souvent la Cour suprême du Canada, a elle aussi donné préséance au droit à la liberté de conscience des élèves contre le désir des enseignants d’exposer et de manifester leurs croyances religieuses à l’école.
Voilà donc, au-delà d’autres considérations juridiques, la question centrale que devra trancher le juge Marc-André Blanchard : liberté de conscience pour tous assurée par la laïcité de l’État qui proscrit le port de signes religieux de ses représentants en autorité, ou totale manifestation des croyances religieuses par ces représentants dans l’exercice de leurs fonctions. Le MLQ plaide sans hésitation pour le premier élément de l’alternative.